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Aurelmes
24 avril 2012

22 Avril 2012 - Hommage à René Char

           "Si je consens à cette appréhension qui commande à la vie sa lâcheté, je mets aussitôt au monde une foule d'amitiés formelles qui volent à mon secours"

            En ce dimanche pluvieux, j'ai été très fier d'aller voter, ça m'a même levé tôt du lit. J'ai été fier de voir ma carte d'électeur toute neuve être tamponnée "22 Avril 2012", me rappellant que la première et la dernière fois que j'avais eu l'occasion de faire valoir notre droit (qui n'est pas universel, en cela nous sommes privilégiés), c'était en 2002, le 21 Avril... 10 ans jour pour jour... Le coup que ça m'avait porté à ce moment-là avait eu raison des préjugés qu'un adolescent reçoit des aînés sur l'importance du vote, je m'étais depuis exclu en m'abstenant, ne voulant pas être mêlé à ça.

          Depuis j'ai voyagé, vu des conditions de vie autres, sur plusieurs continents, et je me suis formé, lentement. J'ai été en Tunisie, où il y a pas si longtemps encore, sans le courage des Tunisiens le droit de vote serait encore un simulacre, un mensonge, où tout est organisé, entre police secrète et menaces de longs séjours en prison, pour que les profession de foi des candidats concurrents soient de celles qui appellent à voter Ben Ali, car "il est le meilleur pour la Tunisie". J'ai été en Grèce, où derrière l'Hôtel pour touristes, à un quart d'heure de marche et une colline plus loin, des gens campent sur une plage bondée de détritus dans des conditions qui rappellent les images de Sangatte. Comment avoir une conscience politique quand on ne peut assouvir les besoins primaires de survie? J'ai vécu en Italie, une année, où j'ai pu me rendre compte du délabrement de la volonté politique, couverte d'une chappe de plomb. Là-bas la démocratie est un spectacle, un show télévisé, où le vainqueur est le plus divertissant (20 ans au pouvoir...!). Le plus indécent aussi. Et allié à l'extrême-droite pour se maintenir... C'est pourtant pas si différent l'Italie, mais rares sont les personnes qui ne sont pas blasées, dépassées par un système qui divertit et enchaîne. Et lui rompt les ailes...

          Et ici, en France, on prend ce chemin, on a juste quinze ans de retard. Un président bouffon et une équipe qui fournissent une tonne de matériau aux caricaturistes (pour ne citer que cela, Zadig et Voltaire comme livre de chevet...!!), des affaires et des scandales à la volée, une extrême-droite qui a pris (en 2002) la place réservée à la gauche, et ce résultat de 2012 ... tout simplement honteux. Quand je vivais en Italie, j'en avais honte, j'avais honte de représenter (c'est peut-être un peu fort), de porter l'image d'un pays qui fait, à mots couverts, un débat sur ce que ce n'est pas d'être français... Personne là-bas n'a jamais eu l'occasion ou l'indélicatesse de m'en parler, juste, ça flingue la dignité...

          Donc, dans ce pays des droits de l'Homme comme on dit, cette "Terre d'Accueil" (où chaque dossier de droit d'asile est, hé beh, au moins traité pendant cinq minutes), où est écrit "Liberté-Egalité-Fraternité" au frontispice de tous les bâtiments publics, ce pays accueille en son sein son lot de réactionnaires, de nostalgiques de l'Ordre, du trop célèbre "Travail Famille Patrie". Je ressens le même sentiment à l'égard de ceux-là que M.Hortefeux, pour lequel je n'ai aucun respect, envers les "Auvergnats". Car qu'il y en ait quelques uns, ça va, mais d'imaginer que sur 35 millions de votes, 6.5 soient pour le FN, non ! Une personne sur cinq !!! Une personne sur cinq dont on peut croiser le regard dans la rue, sa boulangère, le gars qui vient réparer son toit, un taxi, un comptable... Un sur cinq, putain de merde !!!

          Dans notre histoire récente, commune cette fois-là (pas celle d'austères Gaulois ou de Jeanne d'Arc dont les mythes ont étés forgés au XIXe siècle, pour souder la nation post-révolutionnaire), nos ancêtres ont eu la volonté et le courage de se battre contre une abjection sans nom. Cette même abjection qui quand elle était abordée au lycée me faisait lâcher malgré moi un "putain d'enculés"  tout bas, dans la barbe que je n'avais pas encore, et cela me rendait attachant à quelques filles dans la classe. Aujourd'hui je ressens exactement la même chose. Avec le recul, j'ai surtout de la compassion, un peu méchante certes, pour cette incapacité humaine à se projeter et qui s'obstine à tenir juste devant soi des idées closes, simplistes. Esprit de taupes... L'Homme possède parfois une myopie qui lui permet de tuer pour une idée, et même tuer dans la tête, "idéologiquement" c'est faire le saut. Mais pas pour une idée longtemps maturée, mâchée et remâchée dans son propre verger, qu'on caresse et qu'on chérit égoïstement, comme une preuve de valeur, non, une idée diffusée par quelques meneurs à phrases choc qui font le métier de berger, pour la gloriole. Dans les périodes heureuses, bergers de moutons, et c'est la stupidité ridicule, dont on rit, dans les périodes de déclin bergers de hyènes, et c'est la stupidité que l'on craint. Nous sommes dans une période brune, où quelques bergers en appellent aux bas instincts, caressent la médiocrité, soignent une image mythique de preux chevaliers défenseurs du commun impotent face aux nombreux périls extérieurs. Hou, comme il fait bon dans notre hutte, comme il fait chaud près du feu, ne sortez pas braves gens, car le loup rôde... Cela a un nom, la xénophobie, la peur de l'étranger. Cela rappelle à l'inconscient collectif les invasions barbares du Ve siècle face à l'Imperium, cette brute de Charles Martel, Jeanne d'arc, Dreyfus... Quand je pense à l'horreur qu'ont du vivre les français de 1942, pas les héros mais les simple citoyens, en somme vous ou moi cinquante ans plus tôt, qui d'abattus moralement ont du se faire violence pour imaginer survivre dans un monde devenu hostile, se faire comédiens devant le cynisme meurtrier pour leur combat où chaque faux pas était sanctionné, et finalement décider de lutter. Car la vie ne vaut la peine que si on peut se regarder le matin dans un miroir... Pas comme un Collabo, mais comme un Homme libre...

          Aujourd'hui, il faut comprendre son ennemi, comprendre ses motivations, non pas le comprendre et l'accepter, loin de là, mais le comprendre et le vaincre. C'est une guerre, idéologique. Qui oppose diverses forces. Loin de moi l'idée de représenter l'immigré comme une victime d'une société qui lui refuse le droit d'y entrer. Chacun a sa part d'agressivité qui rajoute du bois au feu. Chacun qui bâtit un mur, s'isole entre frères (ou soeurs) de peau, de religion, de valeurs, de sexe, en a pour son compte dans cette immense folie. Contribue à sa mesure à prolonger cette grande fête meurtrière, ce bûcher de joie où la folie collective tue  ses sorcières dans la plus complète innocence et le sentiment du devoir (cf Jean Teulé - "Mangez-le si vous voulez")

          Le Pen peut aujourd'hui faire une prière pour l'âme de Merah, car c'est grâce à lui qu'elle a pu imposer des idées qui même bien lêchées restent odieuses. Ce même Merah, là où il est, si il y est, peut tuer tous les enfants juifs qu'il veut, au nom d'une cause certes juste, mais avec des moyens imbéciles. Toutes les causes justes perpétuent leurs massacres. D'autres justes peuvent fonder une Etat sur leur terre promise (par qui?), tuer eux aussi des enfants et pas que des enfants, s'imposer et construire des murs pour défendre l'indéfendable, qu'ils ont acquis avec une idéologie absconse et à coup d'attentats dans les années 30, en Angleterre principalement, avant le génocide de 39-45. Ces mêmes génocidaires portés au pouvoir par la crise de 29, qui se basaient sur la pureté de la race, hiérarchisée, et qui agitaient la haine du complot judéo-maçonnique comme on agite un étendard. Revenus sous la forme d'un norvégien preux paladin de la Norvège...

          Vous l'aurez compris, c'est un serpent qui se mord la queue, motivé par cette seule question : qui a commencé? Alors que la véritable question, le véritable ennemi, quelque forme qu'il prenne, est ce mur qui bloque la pensée, cette cage qui l'empêche de s'envoler, cette peur qui nous rend agressifs, parce que où que l'on regarde, et tant soit peu qu'on regarde, on voit l'Homme contre l'Homme. Comme des charognards. Alors pourquoi pas la couleur des yeux, le pantalon long ou court, le quartier, pc ou mac, renault ou peugeot, slip ou caleçon... Hormis le ridicule, rien ne différencie les actuels antagonismes binaires de ces fantaisies. Une chose seulement, cette cynique vérité qui fait qu'un meneur d'oies doit avoir un ennemi pour les unifier... Parce qu'il a peur du chaos, de l'incontrôlable, et préfère l'ordre... et le pouvoir!

          Je hais les murs, et si je me décide à écrire ce premier article de ce premier blog, c'est que je suis outré de constater une dégradation, un délabrement de valeurs nobles, telles que la fierté, la décence, le grand rire, le respect, la dignité, la joie. Dans une fête, on voit surtout des sourires, des réconciliations, des amitiés improbables qui se forment. Alors que quand les sourires sont aigres, les nerfs en pelote, les formules de politesse uniquement de simples formules, petit à petit l'organisme prépare son déclin et conditionne celui des autres...

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